Si vous êtes un "vieux" gamer comme moi, Vampire : La Mascarade est une licence qui doit vous parler. Au départ jeu de rôle qui a eu un certain impact au début des années (19)90, elle a connu tour à tour une grosse adaptation experte en JCC (Vampire: The Eternal Struggle en 1994) et un jeu vidéo plutôt sympathique (Vampire: The Mascarade : Bloodlines en 2004).
Le trentième anniversaire du jeu originel a semble-t-il donné des idées aux ayants droits, car est sorti coup sur coup ces derniers mois plusieurs jeux sur cette saga, dont ce Vampire : The Masquerade Rivals, une nouvelle version bien décidée à dépoussiérer le jeu original.
Et on retrouve dans cette boîte 4 decks de base liés à des familles de vampires célèbres du Lore de The Masquarade (Burjah, Toreador, Malkavien et Ventrue). Le but ici est toujours de dominer les autres clans, que ce soit par la force ou la ruse, tout en mettant la ville sous sa croupe et se servant à sa guise des civils comme cocktails sur pattes.
Remporter une partie se fait majoritairement soit en récupérant 12 jetons de cabale, soit en éliminant son rival désigné aléatoirement en début de partie (mais connu de tous). La grosse particularité de Vampire : The Masquerade Rivals vient d'ailleurs de ce concept, qui permet de jouer jusqu'à 4 joueurs tout en incluant des leviers favorisant l'interaction.
Le jeu intègre en effet des cartes conspiration permettant d'offrir aux joueurs à qui vous les révéler de participer à la "manigance" en échange d'une immunité à son déclenchement (souvent puissant). Il existe aussi des cartes intrigues qui déclenchent à la fois des tests d'influence et des votes individuels qui peuvent donner à son déclencheur un avantage précieux.
Si on ajoute à cela un système de combat à deux niveaux (dégâts réguliers et aggravés) qui permet d'agresser en tout temps le joueur que l'on souhaite, on obtient une liste d'ingrédients capables de générer de la discussion, des négociations récurrentes et un jeu d'alliances temporaires entre joueurs qui a tout pour créer une vie certaine autour de la table.
Mais je vais vous le dire tout de go, la promesse s'est montrée dans mon groupe de joueurs beaucoup plus probante sur le papier que dans la réalité. Je ne sais pas si c'est nous ou un problème dans les cartes, mais après quelques tentatives infructueuses, les joueurs ont rapidement abandonnés l'espoir de profiter de ces leviers pour la jouer seul dans son coin, en tentant d'optimiser les cartes piochées à chaque tour comme dans tout bon JCC / JCE.
Cela ne serait malheureusement pas un problème s'il n'y avait pas des decks de familles basés justement sur l'influence (une ressource fictive du jeu) que l'on gagne beaucoup en manigançant à gauche et à droite, ce qui offre finalement un grand avantage aux paquets plus orientés sur le combat et la puissance intrinsèque de ses troupes.
Et c'est vraiment dommage. Car indiscutablement, Vampire : The Masquerade Rivals vient avec pas mal de belles idées.
Il y a déjà ce système ingénieux de rivière de cartes communes qui représente la ville du conflit (San Francisco dans la boîte), avec ses évènements aléatoires et ses mortels que l'on peut à sa guise déguster pour se soigner ou recruter pour améliorer sa position.
Il y a aussi ce très intéressant système de titres, qui permettent d'améliorer sensiblement les capacités de ses vampires, avec en point d'orgue le très convoité "Titre de la ville" qui permet d'emmagasiner notamment un point de Cabale par tour. J'aime aussi cette idée de jetons Prestige qui servent à la fois pour recruter et de points de vie, et qui demande très rapidement de faire des choix entre taille de son bestiaire et risques que l'on prend pour sa propre survie.
Mais tout cela finit irrémédiablement par favoriser ceux qui arrivent à faire survivre leurs troupes le plus longtemps sur la table, ce qui passe plus facilement par des affrontements en ville (pour récupérer de la vie) et contre les autres joueurs pour faire baisser leur capacité à vous menacer.
Et ce qui n'arrange rien, c'est que le jeu est dense ... mais dense ! 2 decks et 2 zones de jeu pour chaque joueur, la possibilité de grouper des vampires, des séquences d'attaque en 12 étapes (sur le résumé de la règle), un système de 11 disciplines, ... le jeu amène des mécaniques qui rendent forcément l'expérience plus riche, mais qui rajoute aussi continuellement des exceptions et de nouvelles règles dans des cas très précis.
Ce qui fait qu'on a d'avantage la sensation d'un amalgame d'idées mécaniques un peu superficielles et situationnelles, plutôt qu'un jeu qui offre un ensemble cohérent porté vers l'amusement ludique. Et rien à dire de plus que c'est ballot, surtout pour un titre qui était sensé fluidifier un jeu original riche mais bien trop long et complexe selon les standards actuels.
Ces choix techniques ne sont heureureusement pas bloquants (même si l'apprentissage peut vraiment prendre du temps) et arrivent à maintenir l'intérêt dans le jeu à 3 ou 4 joueurs, même si les parties peuvent s'éterniser et le hasard du tirage rendu plus prépondérant. Mais à deux joueurs, quand on aime généralement les jeux de duel dynamiques et rythmés, où les choix individuels priment sur la réussite au tirage, Vampire : The Masquerade Rivals ne coche vraiment pas toutes les cases.
Alors, c'est certain, je ne suis pas le plus à même de donner un avis d'expert sur le genre, et mon groupe et moi n'avons pas poussé Vampire : The Masquerade Rivals jusqu'à maîtriser les paquets de base et créer nos propres decks (grâce aux 60 cartes supplémentaires).
Mais j'ai quand même été un petit joueur de Magic dans ma jeunesse, et j'apprécie à chaque fois de ressortir ma boîte de Marvel : Champions pour m'extasier à relever des défis et tenter des coups de maître. Des sensations que je ne retrouve résolument pas ici, ce qui me fait dire par ma modeste expérience que ce Vampire : The Masquerade Rivals, malgré un thème bien imprégné et de jolies promesses de gameplay sur le papier, manque malheureusement un peu trop de tout pour rentrer, dans l'état, dans le panthéon des JCE modernes.