Velonimo, c'est déjà une histoire pas banale. Celle d'un petit projet de commande pour ... le Tour de France 2020, finalement annulé à cause de la crise sanitaire, et qui a entraîné par la même occasion l'abandon du jeu. Mais Bruno Cathala est du genre tenace, surtout quand il est convaincu par son concept (et qu'il est passionné par son sujet). Quelques ajustements plus tard, il décide tout de même de proposer son jeu à Strastophères, la maison d'édition par qui tout avait commencé.
Arrive le début de l'année 2020 et les doutes : Velonimo peut-il vraiment réussir à percer dans la jungle des petits jeux de cartes, tout en assurant à une jeune maison d'édition inexpérimentée dans le monde ludique de ne pas s'écraser au décollage ? La raison l'emporte, et seulement 500 boîtes sont réalisées et testées l'été de cette même année dans une poignée de magasins. 15 jours plus tard, les ventes et les retours confirment que oui, Velonimo pouvait vraiment trouver son public. Et nous voilà un an plus tard, pour le vrai tirage, celui qui voit la petite boîte débarque en masse dans toutes les bonne crémeries...
Velonimo joue pourtant sur les codes habituels du jeu de plis et de défausse. Chaque joueur débute une manche avec 11 cartes dont il va tenter de se débarrasser, en remportant un nombre de points égal au nombre d'adversaires encore en jeu multiplié par la difficulté de la manche.
Le jeu fonctionne sur le principe de l'ascenseur : Une succession discontinue de surenchères de valeurs par rapport au pli de départ, jusqu'au moment où tous les joueurs décident de passer. C'est alors le joueur qui a placé la combinaison la plus forte qui gagne alors le droit d'initier le pli suivant.
À son tour, on peut surenchérir avec une carte unique, la valeur de la carte faisant sa "force". Ou l'on peut aussi jouer une combinaison de cartes, choix rendu possible si l'on joue uniquement des cartes de la même couleur (ex : 3 rouges) ou de la même valeur (ex : 2 cartes 6). Dans ce cas précis, le système de comptage change : Chaque carte vaut alors 10 points, auquel on ajoute la valeur de la plus faible carte du lot.
Velonimo inclut deux autres subtilités. La première, c'est la présence de cartes lièvres, dont les valeurs oscillent entre 35 et 50, et qui ne peuvent être jouées que seules. Et la seconde, c'est la capacité des cartes leaders (de valeur 1), qui permettent d'échanger autant de cartes avec l'adversaire de son choix que de leaders joués à ce moment précis.
Et ces petites pointes d'originalité, elles suffisent à apporter un étonnant petit vent de fraîcheur à un concept du "jeu du président" pourtant archi-éculé. Malgré des règles minimalistes, Velonimo réussit à offrir une base stratégique solide, de vrais décisions tactiques en partie, tout en se targuant d'être un vrai jeu d'ambiance, ressenti bien aidé il est vrai par un système de leaders qui permet coups bas et retournements de situation inopinés.
C'est là qu'il faut parler d'un thème, marqué et original, bien loin de ne faire que de la figuration. On pourrait même croire que les termes du jargon de la course cycliste ont été inventés pour le jeu de défausse, tellement Velonimo transpire de la passion que porte Monsieur Cathala à ce sport.
Leader, attaque, baroudeur, porteur d'eau (qui permet de chercher du renfort en mode deux joueurs) ... tout semble avoir une place naturelle, et cette immersion est encore décuplé par un système de difficulté de cols évolutif judicieux, et qui permet de préserver le suspense jusqu'au bout des 5 manches que compte une partie de base.
C'est d'ailleurs le seul petit grief que j'aurai à émettre : J'aurai voulu que l'on pousse le curseur du "réalisme" encore plus loin. Car Velonimo, tout comme n'importe quel jeu de défausse, est fortement sujet au hasard des cartes. Si les règles combinatoires permettent de combler un peu un mauvais tirage quand on commence à maîtriser le jeu, il reste difficile de lutter contre un adversaire qui à la main mise sur les cartes noires (lièvres) ou les cartes leaders.
Vous allez me dire, c'est exactement comme dans la vraie vie : certaines équipes ont dû se contenter, à cause de Lance "piqûre" Armstrong, de se battre pour la deuxième place pendant dix ans. L'absence d'équité, on connaît, on s'y habitue.
Mais dans Velonimo, j'aurai vraiment adoré que chaque joueur puisse bénéficier au départ de quelques pouvoirs spéciaux à jouer une fois par partie, ou le droit de conserver des cartes entre deux manches, afin de niveler un peu les chances de chacun. Tout en offrant aux équipes, comme dans une vraie longue course cycliste, de pouvoir tenter "des coups" ou carrément leur va-tout dans des étapes spécifiques !
Après bien sûr, c'est plus un "rêve" pour une future version qu'une doléance : Velonimo reste un jeu dynamique, fun et à la mécanique parfaitement huilée. Et point fort supplémentaire, Velonimo ne manque pas d'humour (le maillot à petits pois carottes est déjà rentré dans la légende ludique), ce qui, couplé à une petite dose d'anthropomorphisme bien sentie, rend le jeu d'autant plus universel, et oblige moins à aimer la petite reine (pas la pizza pour enfant hein) que s'il était resté avec un apparat plus sérieux.
Tout cela pour finalement dire que, en plus d'être une histoire pas banale, Velonimo s'avère une chouette surprise, et surtout être un joli conte qui finit bien. Et je suis certain qu'il ne devrait pas manquer d'occuper un paquet d'apéros ou de tables de fin de soirée cet été !