Villainous
Villainous, c'est un peu la grosse surprise et l'attraction des tables de jeux en 2019. Et pour cause, il permet pour la première fois de revisiter certains classiques de notre enfance en incarnant certains vilains emblématiques de Disney, rien que ça !
♫ It's a small small world ♫
Il est peu dire que j'avais hâte de pouvoir (enfin) m'essayer à Villainous. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que Ravensburger n'a pas lésiné sur les moyens pour que la « magie Disney » opère.
Déjà, le matériel est vraiment à la hauteur du mythe. Rien que la boîte, avec son touché doux, ses contours dorés et son titre en relief, donne le ton. Une impression confirmée par son contenu : Que ce soit les plateaux individuels, les figurines abstraites, ou même le chaudron en 3d, on en prend plein les mirettes.
Et ça c'est sans parler des illustrations des cartes et des plateaux, justes... waouhh (désolé je n'ai pas trouvé de mots assez fort dans le guide TV). Avec 80 ans d'histoire, l'éditeur aurait pu se contenter de récupérer des images ici et là. Non, chaque dessin est original, chaque visuel est travaillé avec minutie, chaque ambiance de film a été savamment retranscrite. Même les petits détails, dos de cartes compris, ont été soignés, et transpire d'une incroyable sensation de luxe. On pourrait vouloir posséder Villainous juste pour posséder une œuvre d'art dans sa ludothèque !
Mais vous le savez comme moi, l'habit ne fait pas le frère Tuck. Et des jeux à licence qui misent tout sur l'apparat pour faire passer un gameplay quelconque, on en a vu passer des pelletées sous le carrosse. Mais là, bonne surprise aussi, le jeu en a sous le capot.
Tellement d'ailleurs que le jeu, malgré son étiquette Disney, ne s'adresse pas à tout le monde. Villainous est un vrai jeu stratégique, qui demande un minimum d'investissement mental. Impossible de le conseiller aux plus jeunes. Et je ne suis pas certain que des joueurs occasionnels, qui cherchent un moment de détente pur, peuvent y prendre un certain plaisir.
Mais pour les « joueurs », ceux qui cherche un défi compétitif, ils tapent à la bonne porte.
On pourrait d'ailleurs craindre un jeu finalement complexe, vu l'asymétrie affirmée, les plateaux chargés en information. Mais non, Villainous s'avère en réalité facile à prendre en main.
Lors de son tour, un joueur n'a qu'une chose à faire : déplacer son personnage sur l'un des quatre lieux de son « royaume » (disponibles sur son plateau personnel), et faire tout ou une partie des actions disponibles dessus. Et ce dans l'ordre qui lui sied le plus.
La plupart des actions sont assez basiques : Gagner un certain nombre de jetons pouvoirs (monnaie du jeu) ; Jouer une carte de sa main en payant son coût au préalable ; Défausser une ou plusieurs cartes ; Déplacer une carte de son plateau personnel, … il n'y a vraiment rien d'insurmontable, une fois que l'on a bien assimilé le fonctionnement des cinq types de cartes du jeu (allié, héros, objet, effet et condition).
En fait, le plus compliqué dans l'histoire, et qui est un des grands plaisirs du jeu, c'est de découvrir et prendre la mesure des six vilains jouables de la boîte de base.
Que ce soit Capitaine Crochet (Peter Pan), Jafar (Aladdin), Maléfique, le prince John (Robin des Bois), la reine de cœur ou Ursula (la petite sirène), chacun à une façon de jouer et une condition de victoire bien précise qui lui sont propres. Quand le prince John, qui doit récupérer 20 pièces de pouvoir pour l'emporter, doit axer son jeu sur la sournoiserie, le capitaine crochet doit lui rencontrer Peter Pan à l'arbre du pendu et le déplacer vers le Jolly Roger pour le vaincre, en ayant l'obligation de manipuler les cartes de son plateau personnel.
C'est varié, et vraiment, on s'y croirait. Car outre l'ambiance fidèlement retranscrite, les mécaniques de chaque vilain ont été choisies pour correspondre au maximum au dessin-animé d'origine. Jafar, c'est une vraie course à l'objet (la lampe du génie), alors que la Reine de Coeur doit réussir à imposer son autorité sur ses soldats (en inclinant les cartes). C'est tout bonnement excellent, et Villainous a le don de nous donner envie d'essayer tous les personnages du jeu, surtout que des petits livrets de conseils et astuces sont disponibles pour favoriser leur prise en main.
C'est ton destin !
Mais tout n'est pas rose dans le monde féerique de Villainous. Déjà, tous les personnages ne se valent pas (côté équilibrage global et difficulté). Cela ne serait pas si gênant si le hasard de la pioche n'était pas aussi déterminant, voir frustrant, surtout pour les vilains dont la victoire est conditionnée par le tirage de certains objets ou héros indispensables.
Si la « chance » ne nous sourit pas, on peut vraiment passer tous ses tours à vider son deck le plus rapidement possible, à la recherche de la carte qui nous débloquera la suite de l'aventure. Une mécanique certes assumée par le jeu... mais pas franchement la plus fun qui soit.
Et ce fait le plus débat pour moi, et qui me dérange le plus, c'est cette dernière action possible que j'ai volontairement omise de parler jusqu'à présent : Le tirage de cartes destin.
Ces cartes sont disponibles dans un deck spécifique propre à chaque personnage, qui contient en majorité des événements et des « héros » négatifs à la réussite de sa condition de victoire.
L'idée de base est louable : Permettre de freiner un adversaire qui aurait trop pris d'avance, en créant en passant une dose d'interactivité qui ouvre matière à discussions animées. Mais si la mécanique s'intègre parfaitement bien dans un jeu à moins de trois joueurs, elle peut devenir une vraie torture sur les grandes tablées.
Un joueur en passe de gagner peut littéralement subir un acharnement commun de la part de ses adversaires. Dans un jeu de course, qui plus est est si bien fait qu'on devine aisément où en sont les autres joueurs dans la réussite de leur objectif, c'est un réflexe humain tout à fait normal, et attendu. Mais quand on voit ses efforts, détruits plusieurs tours durant par le tirage de cartes destin, cela peut vite devenir épuisant.
Et le problème, c'est qu'il n'a pas vraiment de parade, surtout qu'en plus beaucoup de personnages voient leur condition de victoire validée que lorsqu'un tour complet de table a été effectué... Quand la stratégie est aussi mise en avant au début d'une partie, c'est vraiment dommageable de devoir compter sur la chance ou le bon vouloir de ses adversaires pour pouvoir la conclure.
Et cet effet a en plus un effet pervers : Les parties peuvent vraiment s’étirer en longueur, avec des derniers tours plus laborieux que démonstratif de maîtrise et de gros savoir-jouer.
Vous me direz, il n'y a qu'à jouer plus sournoisement et anticiper d'avantage les réactions des autres. Vous n'avez pas tord dans le fond, et Villainousle permet avec de l'expérience. Mais c'est dommage que les nouveaux joueurs, ou ceux qui découvrent un personnage pour la première fois, et qui n'auront pas forcément tous les bons réflexes, soient lésés.