Si vous avez un doigt de pied dans le monde du jeu de société depuis quelques années, vous avez déjà au moins entendu parler de Wingspan, jeu de construction de tableau qui a autant révélé son autrice Elizabeth Hargrave que lancer la mode des jeux au thème nature. Proposant une expérience différente tout en se basant sur les fondamentaux à succès de son ainé, Wyrmspan débarque cette fois-ci avec des dizaines de dragons, une empreinte fantastique marquée, et surtout la ferme intention de faire passer les célèbres oiseaux pour une espèce menacée sur vos tables de jeu.
Tout comme dans Wingspan, vous êtes amenés à jouer une action par tour sur un ensemble de quatre manches en tout. Mais alors qu'il fallait auparavant dépenser un cube, agir ici vous demandera souvent une pièce d'or, prix de base auquel vous rajouterez un coût supplémentaire selon le type d'action mené.
Ce sera donc à vous de bien gérer le petit pécule de 6 pièces offert à chaque début de manche, plus les éventuelles pièces additionnelles gagnées durant la partie, jusqu'au moment où tous les joueurs décident de passer leur tour. Viendra alors le moment, comme dans le jeu original, de vérifier qui respecte le mieux l'objectif tiré aléatoirement en début de partie attitré à la manche, pour des points allant crescendo avec votre ordre temporaire au classement.
Côté gameplay, Wyrmspan impose toujours une savante gestion de ses œufs pondus et le jonglage permanent de plusieurs ressources, qui sont ici la viande, l'or et le cristal. Le jeu introduit par contre la notion de nouveau-né (un sous-type de carte appelé Dragonnet) qui, en échange de lait et d'œuf (forcément), fait apparaître sur votre plateau une carte évolutive qui offre un avantage puissant une fois adulte.
Mais la grande nouveauté est à chercher d'un nouveau type de carte présent dans la boîte de jeu.
Car avant de pouvoir faire apparaître un dragon sur un emplacement vide de votre plateau grâce à l'action Attirer, il faudra au préalable placer une carte Caverne par dessus dessus via l'action Excaver un lieu. Le coût ? Une pièce, additionnée d'un ou deux œufs si on cherche à enrichir l'un des deux emplacements les plus à droite d'une grotte. Pour le droit futur de poser un dragon dessus, en plus d'un gain immédiat de l'effet de pose indiqué !
Si des caves sont imprimées sur les premiers emplacements de chaque grotte, la conquête d'un emplacement dans Wyrmspan se fera donc souvent en deux temps, en vous obligeant à gérer une double main de cartes qui ne pourra jamais dépasser 9 occurrences de chaque type (mais rassurez vous, cela n'arrive pas souvent !). Bien évidemment, c'est souvent la pose des dragons, aux tailles et caractères fluctuants, qui va avoir le plus de répercussions, autant sur les objectifs de fin de manche à venir, que via les effets de déclenchements affichés dessus.
Il y en d'ailleurs 4 en tout, et si les trois premiers sont assez classiques (immédiatement à la pose, fin de manche ou fin de partie), le quatrième se déclenche, lui, lorsque vous réaliserez l'action Explorer, la troisième action offerte par le titre. Et celle-ci n'est pas anodine, puisqu'elle permet d'envoyer votre meeple Aventurier dans une des trois grottes de votre plateau et déclencher de gauche à droite tous les icônes d'Exploration, et ce jusqu'à rencontrer un panneau sens interdit (visible sur chaque emplacement tant qu'il n'y a pas de cartes Dragon dessus).
Si les effets dépendront beaucoup de vos choix de cartes Dragon, la présence d'icônes d'Activation entre les emplacements de cartes donne à chacune des grottes une certaine spécialité : La Caverne Écarlate vous permettra d'engranger des ressources alimentaires, la Grotte Dorée permet d'aller à la pèche aux cartes Caverne, quand l'Abysse Améthyste rapportera des cartes Dragon. Des cartes à choisir parmi les trois visibles de chaque marché, voir du dessus de chaque pioche pour les plus intrépides.
Le point commun des grottes restent qu'elles permettent rapidement de progresser à la Guilde des dragons, un plateau commun qu'il est possible d'arpenter pour gagner des ressources. Avec le droit, lors de chaque demi-tour réalisé, de poser en sus l'un de vos cubes sur un tableau de bonus tiré au hasard en début de partie !
Et ce dont je suis sûr, c'est que si vous aimez Wingspan, vous trouverez certainement beaucoup de plaisir à évoluer dans Wyrmspan, qui peut se targuer selon moi de pousser le curseur complexité un peu plus loin que son prédécesseur, tout en étant un peu plus accessible dans son déroulé.
Cela peut paraître antinomique comme cela, mais c'est parce que ce nouvel opus réussit à ajouter de nouvelles mécaniques, de vraies pistes stratégiques annexes pour la conquête de points, tout en ne donnant pas l'impression de rajouter des règles ! De la surcouche de construction supplémentaire (via l'excavation des emplacements) qui rajoute un arbitrage permanent dans vos achats et mises en œuvre de cartes, à la présence du plateau Guilde qui créé une petite course supplémentaire, Wyrmspan se bonifie de manière indolore, tout en faisant d'autres choix consensuels qui feront certainement davantage l'unanimité.
Car dans l'autre sens, les auteurs ont pris la décision d'élaguer quelques aspérités de Wingspan, comme la tour à ressources hasardeuse, le système de cartes bonus et les effets "une fois par tour", tout en réduisant le nombre de phases de jeu, simplifiant et les pouvoirs de cartes, et donnant plus de latitude dans le placement des volatiles.
Pour le mieux ?
Je vous avouerai qu'à titre personnel, j'aurai été davantage partant pour le maintien de l'exigence des cartes. Et je n'aurai pas craché contre un système de cavernes un peu plus contraignant (voir offrant des effets combinatoires supplémentaires si affinités parfaites avec leurs hôtes). Et tant qu'à faire, j'aurai bien voulu que Wyrmspan ne fasse pas l'apologie d'un tirage aussi limité de cartes en partie qui favorise un peu trop le hasard, selon moi, surtout quand vous cherchez absolument à répondre à des objectifs précoces.
Mais là je boude un peu trop mon plaisir. Difficile de nier que Wyrmspan est une réussite, et s'avère être la version plus sobre mécaniquement, la plus dynamique, la plus simple à instruire et à jouer. Ce qui en fait, des deux opus de la gamme, le plus propice à être découvert par les néophytes, ou le plus évident à sortir quand on veut juste du challenge de niveau "initié à tendance passerelle" qui accepte les bières à table sans trop être puni derrière.
De là à en faire le meilleur des deux ? Si vous êtes davantage attiré par le fantastique, c'est une certitude. Et si vous faites partie des plus nostalgiques, de ceux attachés à un certain réalisme ou qui préfèrent les jeux combinatoires plus pénalisants dans leur choix de cartes, il y aura toujours possibilité de se rabattre sur des oisillons qui ne seront jamais déclarés perdants, même devant des créatures 100 fois plus grandes qu'eux !