Tous les fans de Space Opéra vous le diront : Un bon jeu de SF, cela part toujours d'une planète inconnue tout juste découverte, avec ses formes de vies intrigantes, ses richesses innombrables, et surtout des clans humains bien décidés à tirer profit de ces nouvelles opportunités.
Circadiens : Premières Lueurs prend le parti de cet élitisme, en vous proposant de participer à cette conquête concurrentielle via un système de pose d'ouvriers, avec des dés représentant votre équipage, et des jets initiaux influençant à chaque fois le type d'action et la puissance de vos actions.
Chacun des huit tours de jeu commence par la révélation d'une carte évènement et une phase individuelle secrète réalisée à l'abri derrière son paravent, où chaque joueur va lancer ses dés - au nombre de trois au départ - et les attribuer sur différentes zones de sa base de recherche. Chaque plateau personnel se compose de deux grandes zones, des cases actions garages, qui permettent d'envoyer des dés sur les divers plateaux centraux du jeu lors de la phase d'exécution (phase 2), et des emplacements fermes, qui permettent de récupérer des ressources lors de la phase de récolte (phase 3).
Une fois les paravents mis de côté, les joueurs sont invités à envoyer tour à tour les dés présents dans leurs fusées, en payant au préalable un coût en algues allant crescendo avec le nombre d'actions que l'on désire réaliser durant la manche. Et il est peut dire que votre terrain de jeu est large.
Le jeu propose pas moins de 9 plateaux communs afin de développer sa colonie de viles humanoïdes. Il y a tout d'abord la Fonderie et le Laboratoire, qui permettent d'améliorer son plateau principal en récupérant respectivement des nouvelles capacités de vaisseaux et des fermes plus productives. Le Marché offre moyen de convertir rapidement l'une des 4 ressources du jeu (algue, énergie, eau et gemme), alors que l'Académie donne accès à de nouveaux dés (chaque joueur étant cependant limité à 5 membres maximum).
La salle de Contrôle elle, permet de manipuler sa moissonneuse sur la planète Ryh et générer des ressources supplémentaires durant la phase du même nom, selon les icônes inscrits sur sa case de destination. Et le Quartier Général permet d'assigner des dés qui auront la priorité à la manche suivante par rapport au sens horaire et le jeton premier joueur tournant, quand le Camp Minier permet d'extraire des gemmes plutôt rares dans le jeu.
Reste à évoquer les zones de Dépôt et de Négociation qui, contrairement aux autres plateaux qui permettent de récupérer ses dés en fin de manche, obligent eux à laisser ses membres d'équipage définitivement ... jusqu'à la fin de la partie !
En contrepartie, ces plateaux offrent de sacrés avantages : Le Dépôt permet de "crafter" l'une de ses cartes objets (en échange des ressources stipulées) et de glaner dans le même temps un bonus entre un nouveau dé, de nouvelles cartes ou un mouvent de moissonneuse. Alors que le plateau de Négociation permet de troquer des ressources contre des points de victoire avec l'une des trois races locales, en plus de pouvoir déclencher le pouvoir de la race et d'éventuels bonus (ou malus).
Deux passages obligés qui vous demanderont un sacré sens du timing pour gérer le départ et l'arrivée de vos dés afin de profiter au maximum de chacun de vos tours avec un minimum d'actions par manche entre vos doigts, tout en vous obligeant à jouer continuellement des coudes pour accéder le plus rapidement possible aux emplacements Aliens, la meilleure manne en points de la boîte.
Cette dualité constante entre ce besoin d'optimisation permanente et la course aux points fait la grande richesse de Circadiens : Premières Lueurs, qui à en plus la mauvaise idée (pour les réfractaires au genre) d'intégrer une composante programmation marquée, par le fait que vous devez planifier tous vos dés avant de les jouer. C'est bien simple, je n'ai pas souvenir avoir autant cogiter mes tours cette année avec un jeu Expert, sauf peut-être avec l'excellent Praga Caput Regni.
Que faire, quelle stratégie adoptée, quand chaque décollage coûte un certain nombre d'algues, que chaque action coûte un bras en eau ou énergie, avec des dés qui en plus peuvent se montrer capricieux à n'importe quel moment ? Dans quelle ordre jouer mes actions, quelle valeur modifier, si tant est que j'ai une chance de les déclencher, quand chaque plateau propose un nombre d'emplacements limités, et qu'un adversaire peut nous devancer d'un ou deux tours sur notre feuille de route ?
Car indiscutablement, Circadiens : Premières Lueurs fait partie de ces jeux Euro où l'interactivité passive peut se montrer traître si vous ne surveillez pas le jeu de vos adversaires, et ne planifiez pas vos actions en fonction des probabilités que le joueur avant vous ait la même idée. Je parle en connaissance de cause, en ayant déjà perdu un tour complet en ayant programmé un enchaînement sur une action initiale que je n'ai jamais pu déclencher à cause d'une action adverse. Ou pire, d'une erreur de "calcul" de ma part, ce qui ne m'a pas empêché de montrer ma déception dans la foulée.
Et pourtant, cela ne m'empêche pas d'avoir envie d'y revenir incessamment. Car Circadiens : Premières Lueurs, est un jeu profondément plaisant, où toutes les mécaniques s'entremêlent logiquement, l'ensemble forme un tout harmonieux et extrêmement fluide.
J'ai d'ailleurs été étonné de réussir à expliquer le jeu en moins de dix minutes. Il faut dire que l'iconographie et l'ergonomie générale sont un régal, à part peut-être sur les symboles liant les deux améliorations de base qui ont portés plusieurs fois à confusion chez nous lors de notre première partie. Malgré sa "complexité", on rentre rapidement dans le cœur de l'action, le jeu se montrant assez court dans l'ensemble (8 fois 5 actions maximum), et bien aidé par une liste de personnages aux pouvoirs tous aussi intéressants les uns que les autres, et qui ont le mérite de nous donner une certaine direction de dé part pour notre développement.
Concernant l'édition, le jeu est au format classique Garphill Games. Une boîte ultra compacte, à la Pillards de la Mer du Nord, pleine à ras bord d'éléments en carton bien épais et de ressources mignonnettes (mais peut-être un poil trop petites pour les gros doigts, un détail), qui se montre en plus moins déplaisante à ranger que les autres jeux de la "gamme" grâce à un insert astucieux ... qui m'a quand même pris quelques minutes à maîtriser au depunchage. J'avoue que le jeu n'aurait pas démérité une "notice" de rangement, mais on s'y fait !
Reste l'art visuel qui lui, est le sujet qui semble le plus animer la communauté des joueurs de Circadiens : Premières Lueurs. On retrouve le trait particulier des personnages de Sam Philipps, qui a déjà marqué les esprits (en bien ou en mal) sur Pillards de Scythie ou le très récent Mur d'Adrien. Pour ma part, si je pense que le jeu aurait pu être plus beau, je ne le trouve pas laid non plus. Et je vous avouerai que cela lui donne un cachet que les autres jeux non pas... et que ce design ne m'empêchera pas de ressortir la boîte d'un "jeu de dés" exigeant, dynamique, grisant et original à plus d'un titre !