Ishtar
J'aimerai bien un jour que Bruno Cathala nous donne son secret pour sortir autant de jeux "sérieux" chaque année (entendez par là des oeuvres qui, qu'elles plaisent ou pas, sentent quand même les jeux longuement travaillés).
Ishtar, sorti fin 2019, s'inscrit en tout cas clairement dans la tendance "Cathala" du moment : Un jeu de stratégie familial ultra "cute" (mignon), rapide à jouer (moins d'une heure), mélangeant habilement des mécaniques traditionnelles sous une thématique ensoleillée parlant au plus grand nombre.
Ses dernières sorties (Queenz, Nagaraja) avaient des défauts mais étaient plutôt sympathiques, qu'en est-il du petit dernier propulsé par Iello ?
Ba-ba-ba, ba-ba-by-lone
Ishtar est un petit jeu de majorité et de contrôle de territoire qui vous plonge au VIème siècle avant J.C, non loin des jardins suspendus de Babylone. Dans sa grande bonté, la déesse du lieu a écouté vos prières et fait jaillir l'eau en plein désert, et vous avez désormais la lourde tâche de lui faire honneur en faisant pousser les plus beaux jardins et parterre de fleurs.
Sous sa thématique aguicheuse, Ishtar est un vrai jeu "abstrait" et calculatoire. On pose une tuile en tenant de maximiser ses ressources et ses points de victoire, tout en bloquant ses adversaires. Mais son édition est tellement travaillée qu'on fait vite fi de sa mécanique de base archi classique.
Jeu Iello oblige, la production, l'insert et la boîte sont conformes au standard de qualité maison du moment. Le matériel est hyper agréable à regarder et manipuler (je suis fan des petits arbres !), le design des différentes pièces (cartes, plateaux) est agréable et plonge dans le thème, et les diamants font toujours un effet fou sur les enfants (et les femmes, mais ça je ne sais pas pourquoi).
La course (stratégique) à celui qui fait les plus beaux jardins s'avère vraiment grisante et plaisante, même si pour chipoter je trouve que cela aurait été moins fastidieux avec des pièces de végétation moins glissantes (on a vite fait de tout "péter"), et sans placer au préalable les diamants dans le désert (surtout quand vous avez un enfant qui a besoin de tester toutes les possibilités avant de se décider).
Les dix commandements
Les règles, elles, sont hyper accessibles. Elles tiennent sur six pages, correctement illustrées à chaque fois, et vous n'aurez pas de mal à initier du monde au jardinage sur table.
Les joueurs se relaient dans le sens horaire et doivent prendre une pièce de végétation disponible en face de l'arrosoir (qui tourne d'un cran après chaque tour de jeu). Si un joueur ne veut pas de "sa" pièce, il peut faire progresser l'arrosoir de plusieurs blocs de pièces disponibles, moyennant deux diamants par cran.
Ensuite, vient le moment de placer la-dite pièce. Chaque tuile doit être connectée soit à une fontaine, soit à une tuile déjà placée, sans permettre de connecter deux jardins existants. Suivant le symbole disponible sur la tuile, vous pouvez ensuite placer un jardinier (la mécanique de contrôle de territoire principale du jeu) ou pouvoir débloquer l'un des bonus de son plateau personnel (en vous acquittant au préalable de 2 diamants).
Si je devais reprocher un gros défaut au jeu, c'est sa terminologie, un peu lourde et qui manque de clarté. Jardin, parterre de fleurs, végétation, herbe, ... des notions (indispensables au jeu) qui ne sont pas si évidentes à (faire) comprendre, et qui risquent de faire éclore des réactions de mauvaise foi lors de premières parties.
Ishtar intègre en plus une mécanique d'achat d'arbres qui permet de décupler ses points de victoire finaux. Et il est vrai qu'avec tout ça, Ishtar s'avère peut-être le plus élitiste des récents jeux du maestro. Non pas que le jeu soit compliqué, mais il demande une petite dose de réflexion supplémentaire et une anticipation que de jeunes enfants ou des joueurs occasionnels n'auront pas.
Mais si vous êtes un joueur aguerri ou avez une tablée plus cérébrale, Ishtar est clairement plus profond (qu'un Queenz par exemple) et offre plus de rejouabilité sur le long terme. Cela reste un jeu "passerelle" et "détente", pour faire jouer la famille ou faire découvrir des jeux un peu plus "vélu" à des non-connaisseurs. Mais dans les dernières sorties de Bruno Cathala, c'est celui qui m'a le plus agréablement surpris.
