
Un petit jeu de gestion des ressources et de construction de moteur dans l'univers de l'excellent Little Town (chroniqué ici), cela vous tente ? C'est en tout cas le pari fait par Iello, qui a profité de l'acquisition des droits de Goods Maker (un petit jeu sorti en 2020 des mêmes auteurs) pour le re thématiser sous le trait de l'illustratrice Sabrina Miramon.
On retrouve donc dans ce Little Factory ce même design haut en couleurs, ces bâtiments tout mignons dessinés en perspective, ces petits êtres emplein de bonhommie, qui ont fait le succès visuel du jeu de placement d'ouvriers et de pose de tuiles familial. On pourrait d'ailleurs croire par son aspect et ses règles épurées que Little Factory est un jeu enfantin. C'est peut-être mal connaître les gentils japonais aux manettes.

Ma petite entreprise ...
Little Factory est une course aux points d'influence qui passe essentiellement par l'acquisition de cartes bâtiments. Mais pour les obtenir, vous allez devoir récupérer les ressources matériels de construction ou financières adéquates, qui ne seront vôtres qu'après des "échanges" successifs de cartes ressources de 3 niveaux différents.
Tous les joueurs débutent leur partie avec quelques pièces seulement, qu'ils pourront investir essentiellement dans un panel de matières premières de niveau 1, incluant le bois, le blé, la terre, la pierre et le coton. À votre tour, vous devez réaliser une action au choix parmi deux.

L'action Produire permet d'obtenir une carte issue des 4 marchés disponibles (3 lignes ressources et 1 ligne bâtiment), en s'acquittant au préalable du coût indiqué en bas de la carte. Si en règle général une carte demande à se débarrasser d'une ou plusieurs cartes ressources de plus faible niveau, on peut aussi juste vous demander de présenter une carte. Un cas que l'on retrouver par exemple avec le mouton, qui permet d'obtenir de la laine sans avoir à massacrer le pauvre animal qui n'a rien fait !
L'action Échanger permet elle d'échanger des cartes avec celles des différents marchés, en se basant cette fois-ci sur leur valeur monétaire (dans le coin supérieur gauche pour les vôtres, toujours en bas pour les cartes convoitées). Une contrainte est dès lors à respecter : Il faut qu'il y ait une seule carte à au moins l'une des extrémités de la transaction. Vous pouvez échanger une carte contre plusieurs, ou utiliser plusieurs de votre main pour en acquérir une seule, mais jamais échanger plusieurs cartes contre plusieurs autres.
Si vous obtenez par votre action une ressource, vous devez la prendre en main, en prenant en compte que vous ne pouvez pas en avoir plus de 7 de niveau 1. Si vous construisez un bâtiment, il doit être placer devant vous, face visible. Ces bâtiments d'ailleurs, vous pouvez les déclencher une seule fois par tour, avant ou après votre phase d'action, et vous permettent en règle général de produire plus facilement l'une des "grosses" ressources du jeu, à condition bien sûr qu'elle soit disponible à ce moment là au centre de la table !

... Ne connaît pas la crise, mais c'est animé
Frénétique. C'est indiscutablement le premier mot qui me vient à l'esprit quand je pense à mes parties de Little Factory. Récupérer du coton, le troquer au tour suivant contre la laine dans le but de récupérer le linge et peut-être cette aciérie rémunératrice en points de victoire qui fait de l'œil à tous les joueurs... Little Factory impose une certaine urgence constante qui rend les parties dynamiques et résolument grisantes. Si vous avez joué à Expédition à Newdale, vous adorerez retrouver ce concept de "chaînage" et de transformation matières premières / produits manufacturés plutôt bien poussé pour un jeu de ce calibre.

Pour sûr, on pourra toujours trouver à redire sur certains objets compliqués à "crafter" comme la canne à pêche, qui ne sert finalement que pour récupérer une seule carte poisson dans le jeu. Mais c'est là qu'apparaît l'intérêt de la valeur marchande des éléments, qui permet de remplacer le troc par l'achat direct et contourner certains désagréments de la fluctuation importante des marchés.
Car clairement, il ne faut pas espérer toujours mener à bien ses plans, surtout quand d'autres négociants en herbe ont les mêmes idées en tête que vous ou veulent tout simplement vous nuire. Little Factory s'avère à cet égard plus tactique que stratégique. Il faut souvent composer avec les cartes à disposition, s'adapter continuellement aux jeux de ses adversaires, quitte à changer complètement de "stratégie" si un joueur vous ravit une carte convoitée dans le but de vous en priver de nombreux tours.
Ce qui fait que, même si on ne peut jamais interagir directement sur le jeu de son voisin, Little Factory peut montrer une interactivité indirecte poussée qui pourra clairement déplaire à ceux qui aiment monter un moteur de jeu dans leur coin. Le côté hasardeux du tirage et l'esprit "taquin" de vos camarades de tablée peuvent trop impacter votre destinée pour imaginer contrôler à 100% une partie.

De toute façon, il ne faut pas s'attendre avec Little Factory a un jeu de développement expert. On reste sur le chemin tout public tracé par son ainé, avec des capacités de bâtiments dont la plupart sont très compliqués à utiliser, ou ne peuvent servir que très peu au regard du faible nombre d'occurrences de chaque ressource et des marchés toujours changeants. Un jeu où le chemin le plus court menant aux 10 points sera toujours le meilleur, au détriment peut-être des combinaisons les plus "gratifiantes" mais trop longues à mettre en place de la boîte.
Ce qui n'empêche pas Little Factory d'en avoir dans le ventre, et de proposer un voyage intellectuel finalement aussi animé que plaisant (même s'il s'avère souvent plus intéressant que la destination), surtout dans la dernière ligne droite d'une partie. Tout en offrant une richesse de paysages (=combinaisons) et des petits détours agréables (=changements tactiques) suffisants pour animer l'esprit de n'importe quel joueur un peu habitué.


