Hasard des coïncidences du continuum espace temps, deux flip & write autour des petits trains citadins sont sortis en 2022. Le premier, Next Station : London, a fait un véritable carton critique (on a pas réussi à esquiver la hype), et peut se targuer aujourd'hui d'être l'une des belles sorties du genre de l'année. L'autre, Metro X, vient tout juste d'apparaitre dans les rayons, et va devoir lutter pour essayer de se faire une place au soleil de nos ludothèques.
Et comble de la nouveauté, c'est un jeu à la base beaucoup plus vieux. La première édition remonte en effet à 2018 (purement dédiée au marché japonais), une seconde a vu le jour en 2020 uniquement outre-Atlantique, et il aura fallu attendre encore 2 ans pour qu'un gentil éditeur (Schmidt) pense qu'il vaille le coup d'être joué par chez nous.
Entre ces deux dernières versions, la boîte et les cartes ont connu un reskin bienvenue, et les plans de 4 grandes villes célèbres (Paris, Berlin, Madrid ou Amsterdam) viennent remplacer les deux cités fictives de l'édition Gamewright. Reste que le cœur du jeu lui est inchangé, et vous demandera toujours de compléter un maximum de lignes tout en évitant de laisser un maximum de stations non visitées à la fin de la partie pour espérer l'emporter.
Il faut savoir que chaque ligne est toujours limitée par un nombre de "fenêtres". Dès que le meneur du tour retourne une carte "nombre" du paquet général, chaque joueur doit choisir une station, reproduire cette valeur dans une de ses fenêtres disponibles, et cocher autant de stations en partant du début de la ligne et de la première case vide rencontrée. Si vous le pouvez. Car dès que vous rencontrez une case déjà cochée (souvent une station qui fait la correspondance avec votre ligne), vous devez vous arrêter immédiatement.
Quelques cartes spéciales viennent vous aider dans votre tâche. Il y a d'abord les cartes Express, qui permettent de contrer la contrainte vu juste avant. Il y a la carte Trajet Gratuit, qui permet de cocher une case n'importe où sur votre plan. Et il y a la carte Correspondance, qui permet de gagner autant de points que le nombre de voix croisant la prochaine station libre d'une ligne (il faut néanmoins indiquer un + dans une fenêtre).
Beaucoup de votre décompte final dépendra de votre rapidité à finaliser des itinéraires avant votre adversaire. Chaque terminus de ligne affiche dans des losanges deux valeurs, la plus grande pour le premier à cocher toutes les stations, la seconde pour tout ceux l'atteignant après coup. Il est donc nécessaire d'annoncer quand vous terminez une ligne en premier pour que vos adversaires barrent le losange le plus élevée et ne puissent pas le décompter ensuite.
La partie prend fin quand toutes les fenêtres de rame sont remplies. Il suffit alors d'additionner les points de lignes complétées et de correspondances, puis de soustraire un nombre de points égal à vos stations vides divisées par deux.
Et selon moi, Metro X partage pas mal de qualités avec son concurrent direct (non désiré). On est ici sur du jeu au fonctionnement épuré et éprouvé. Retourner une carte et appliquer son effet, on est sur une logique connue de tous et qui fait toujours effet, même si on repassera pour l'originalité.
De plus, ce principe met le gameplay en simultané à l'honneur, ce qui fait que les parties (tenant en général sous la demi-heure) sont fluides et sans temps d'arrêt venant briser la dynamique.
Là où Metro X pèche par contre, c'est sur deux points : Le sex appeal et la lisibilité.
On ne va pas se le cacher, ce n'est pas la boîte sur laquelle vous vous tournerez en premier dans un rayonnage de supermarché, même si par mégarde le jeu se voit perdu au rayon des huiles de vidange pour tondeuses essence. Le titre a beau avoir subit un petit lifting, l'ensemble fait dans le grisâtre parisien et le bleu gendarmerie qu'il n'est pas facile à vendre à ses convives dépressifs. Des invités difficiles qui pourront de plus rapidement prendre peur en voyant des feuilles de jeux qui ressemblent plus à des plans de constructions de cartes électroniques qu'à un réseau ferré de la vie de tous les jours.
Mais une fois dépassé les aprioris visuels et coché la première station, c'est juste ... le pied. Metro X vient titiller au plus profond son sens maniaco-obsessionnel de l'optimisation pour proposer une réflexion aussi grisante que foncièrement addictive.
On sait que l'on ne pourra jamais compléter toutes les lignes, on comprend vite que le tirage nous jouera toujours des tours, mais on tente toujours à chaque carte de toucher la station idéale permettant d'avancer au mieux une voie, tout en s'ouvrant de belles perspectives pour d'autres.
Jusqu'à se rendre compte que non, une fenêtre ne suffira pas à rejoindre le terminus placé à 10 stations de là. Où qu'il faudra plus de tours pour atteindre ce terminus avant son voisin de gauche.
Et c'est là où l'interaction indirecte et tout aussi déterminante de Metro X se révèle. Il ne sera bien sûr pas évident de garder un œil sur ses adversaires quand autant de son influx neuronal est requis pour juste faire bonne figure devant sa feuille (ce qui peut d'ailleurs mener à de l'AP un peu casse bonbon). Mais cela reste ici autant un levier important vers la victoire qu'une vraie source de tension et d'émulation, capable de rendre des parties de flip & write beaucoup plus vivantes que la majorité du genre.
Et là où Metro X gagne assurément des points, c'est sur sa rejouabilité. 4 cartes, des règles spéciales supplémentaires pour deux d'entre elles, c'est largement suffisant pour ne pas avoir l'impression d'avoir fait le tour en 5 parties. Ce qui participe à l'envie viscérale de cocher des cases sur ces satanées fiches, et de nous forcer à dire, une fois le décompte fait : On en refait une petite ?