
Il y a des fois, on a beau pressentir qu'un jeu est bon, on sait d'avance qu'il va nous plaire, on est quand même agréablement surpris. On ouvre, on joue, on kiffe, on a un véritable coup de cœur, et on a qu'une hâte, y revenir encore et encore.
C'est ce qui m'est arrivé en fin d'année dernière avec The Artemis Project, une œuvre du duo Rocchi / Chow porté supporté par l'éditeur Super Meeple. Et qui a justement intégré mes incontournables de l'année 2020.

Pourtant, sur le papier, on a affaire à un jeu de placement d'ouvriers (via des dés) tout ce qui a de plus "académique". Une phase tour par tour où chaque joueur doit placer l'un de ses dés sur une case disponible; Une phase de résolution d'actions (en suivant scrupuleusement l'ordre indiqué sur le plateau) ; Une course à la récupération de points sur moult tableaux, avec de la gestion de ressources et de bâtiments en filigrane... non vraiment, aucune raison sur le papier de réveiller mamie qui dort devant Motus pour essayer de la convaincre qu'elle peut encore connaître un vrai extase ludique.

Mais The Artemis Project réussit tout de même à mettre une claque. Pas celle agréable de votre compagne/on quand la tension monte en regardant une émission de Philippe Etchebest. Non, genre grosse fessée de votre père quand il a découvert un jour que vous lui aviez piqué son Playboy fétiche.
La première raison, c'est pour l'ambiance qu'il réussit à instaurer.
L'humanité a failli sur terre, et cherche désormais à sauvegarder l'espèce en tentant de terraformer Europe, la lune galiléenne. Votre mission si vous l'acceptez, et de prendre la direction d'une colonie, creuser et développer votre tribu de voyageurs, et de montrer que vous êtes les plus à mêmes de rendre ce morceau de glaçon stérile vivable.

Alors oui c'est vrai, c'est encore une histoire de colonisation, et un gros thème espace comme il en sort des kilotonnes en ce moment (une mode qui n'a finalement jamais vraiment cessée, ce qui n'est pas pour me déplaire...).
Mais là, pas question de sujet sombre, de prédominance de noir et de vide intersidéral à tous les étages. Non, The Artemis Project, c'est de la S-F joyeuse, une épopée cruciale mais donne envie de se jeter à corps perdu dans la bataille, et qui a décidé pour cela d'emplir de couleurs marquées, de chatoyance, l'étendue de votre zone de jeu.

Il faut dire que l'artwork global de Dominik Mayer (Paleo, Hadara, ISS Vandguard) attire irrémédiablement l'œil, de la cover boîte funky au plateau principal avec son effet d'optique vraiment original.
Et si on ajoute à cela le matériel ultra qualitatif, c'est du tout bon. Les meeples colons sont aussi mimis que beaux, toutes les pièces cartonnées sont bien épaisses, les cartes donnent une vraie impression de luxe. Il y a de quoi épater du joueur quand il découvre le jeu, qu'il soit novice ou habitué.

Et cela ce n'est rien par rapport à l'interactivité offerte par The Artemis Project.
Puissante, intense, jubilatoire, ne laissant jamais aucun répit, c'est la grande réussite du jeu. De la quête aux bâtiments basée sur un système d'enchères (obligeant à se délester de la même valeur en ressources en cas de victoire), au système de priorité sur le gain des maigres ressources disponibles à chaque tour, quelque soit l'action, un placement de dé peut changer le destin d'une stratégie.
Les fins gestionnaires kubenbistes (hashtag jinventeunmot) auront bien raison de s'offusquer contre le cruel manque de contrôle d'un jeu à l'allemande, et de vouloir traîner en justice tout ceux qui n'ont pas d'honneur envers les femmes et leurs enfants depuis trop longtemps (c'était la minute dénonciation et soutien de l'année). Clairement, ce jeu n'est pas pour eux.

Avec The Artemis Project, il faut aimer organiser des coups fourrés derrière une fougère Jovienne, réagir bassement après un vol de ressource qui aurait pu vous donner quatre coups d'avance, devoir adapter continuellement sa stratégie après n'importe quel placement de dé.
Si vous êtes de ceux-là, que vous cherchez un jeu à mentalité experte (ne comptez pas ici sur emmagasiner de ressources ou des points à la pelle), mais qui propose une mécanique de construction de moteur accessible et moins prise de tête que les canons du genre, vous allez grave kiffer.

Car ce jeu a en plus cette qualité d'être assez dynamique pour le genre. Alors que le double jeu placement / valeur du dé rend souvent la prise de décision lente (satané Coimbra ...), la réflexion s'avère ici assez mesurée, les choix restant assez évidents malgré les aléas continuels pour ne pas trop hacher une partie.
Si on ajoute à cela un plateau compact et une rapidité de mise en place qui tranchent avec ce que propose habituellementle genre, il y a quand même pas mal de raisons d'aller faire un tour chez votre ludiste préféré si vous ne l'avez pas encore testé !



