Avant d'attaquer cette critique, il faut que je sois franc : Je ne suis pas à la base un grand fan des jeux coopératifs, et encore moins ceux que j'appelle de "souffrance". Vous savez, ces jeux très mécaniques et calculatoires où il faut réaliser des objectifs précis en subissant une adversité de plus en plus rude à chaque tour. À la Ghost Stories, Last Bastion et consorts.
Pourtant, si je devais en avoir un dans ma ludothèque idéale, il se pourrait que je considère fortement The Loop.
Déjà, parce que le jeu est fichtrement excitant visuellement. Je trouvais déjà la boîte et le matériel aguicheurs en photo, avant de pouvoir mettre la main sur une copie. Et en vrai, c'est encore mieux : son style cartoon coloré très dessins animés des années 2000, couplé à un petit côté retro-futuriste violacé du plus bel effet, rendent admirablement bien une fois mis en place sur votre table de banquet.
Cet effet waouhh est bien aidé par un matériel très qualitatif. Il y a du carton épais comme il faut, les figurines en bois représentant les héros sont vraiment rigolotes, et la tour centrale 3D réussit à apporter un petit supplément d'âme à l'ensemble, tout en offrant une mécanique de tirage aléatoire des plus originales.
Et ça, c'est sans parler du couple thème / ton, la grosse réussite de l'ensemble.
The Loop joue la carte de l'humour à fond. En plus d'offrir des livrets de règles hilarants, les auteurs ont blindé les cartes de jeu de références pop-culture multiples qui parlent forcément à un vieux crouton nostalgique comme moi. En plus si on rajoute une histoire de docteur fou, du voyage dans le temps, alors là, c'est le triple bingo avec tv cathodique 25 cm en gros lot, surtout quand on a été élevé comme moi au biberon d'une célèbre trilogie parlant d'un mec en gilet de sauvetage dans une voiture cubique ...
Le pitch, on y vient : Le docteur Foo a construit une machine dans le temps pour y disperser ses clones. Vous, membre d'une agence gouvernementale top secret, devez résoudre des missions pour fermer des portails tridimensionnels, et empêcher le vilain de prendre le contrôle de l'espace temps.
Un thème fun, passionnant, surtout quand on est du genre à dévorer tous les films / séries parlant du sujet. Et un sujet bien exploité, même si, pour être tout à fait impartial, les promesses d'exotisme "science-fictiesque" ne sont pas parfaitement tenues.
The Loop a en effet beau intégrer un système d'époques, un jeu sur la temporalité, l'ensemble est au final plus cosmétique qu'offrant un réel effet "in game". Reste que l'idée de pouvoir rejouer autant de cartes que l'on veut dans son tour (la fameuse "boucle" / loop) est une bonne idée, et permet quelques combos savoureuses loin d'être inutiles devant l'adversité proposé par le bébé de Théo Riviere et Maxime Rambourg.
Car The Loop propose un challenge du genre costaud. Le jeu est une vraie course contre la montre : Les joueurs se battent contre un deck de cartes, qui permet au docteur Foo symbolisé par la tour 3d de se déplacer à chaque tour à l'une des sept époques du jeu (les cases), et faire apparaître des clones et des failles temporelles.
Plus le deck a fait de cycles complets, plus des clones apparaissent. Et plus il y a de clones dans la zone du grand méchant, plus il peut faire apparaître des cubes rouges failles, qui ont la fâcheuse capacité de détruire une mission disponible si le quota dépasse 3. Un engrenage infernal, contre lequel les joueurs vont devoir lutter pour mener à bien des missions en se servant de leurs decks de cartes de départ, qu'ils peuvent améliorer en cours de partie en récupérant des cartes artefacts.
Pour une fois je ne vais pas m'étaler sur les détails, l'éditeur a réalisé pour la sortie du jeu une vidéo règle condensée aussi visuelle qu'explicite qui le fera beaucoup mieux que moi :
Je vais plutôt concentrer la fin de cet article sur mon avis (toujours de qualité). Et je vous avouerai que le jeu a fini par me frustrer.
En cause, cette obligation d'effectuer un tour complet du méchant entre deux joueurs. Retourner une carte de son deck, tirer un ou plusieurs clones du sac, placer des failles dans la tour, tirer une carte artefact... la routine, sympa au début car elle permet de créer une histoire et des aléas, devient vite rébarbative et casse le rythme du jeu, surtout quand les joueurs se retrouvent à devoir faire peu de choses dans leurs tours.
Le pire, c'est que cette mécanique rend certaines missions extrêmement hasardeuses, comme la tuile qui demande à encercler le Docteur Foo pour la finaliser. Comme le vilain bouge entre chaque tour, il suffit d'avoir la malchance de n'avoir jamais un autre jouer placé à une extrémité pour perdre un certain nombre de tours à réussir la tâche demandée. Et The Loop n'a vraiment pas besoin de ça, tant le temps est vraiment compté pour terminer trois missions (le but du jeu), avec des difficultés s'amoncelant déjà bien vite au cours de la partie.
Reste que ma première impression fut excellente, et que j'ai grandement apprécié découvrir cet univers et les rouages mécaniques parfaitement calibrés pour plaire aux fans du genre. Petite mention spéciale à la surcouche deckbuilding du jeu, qui entre autres découvertes sympathiques rajoute une surcouche tactique intéressante en permettant de spécialiser notre paquet d'actions. Fait appréciable aussi, les auteurs ont pensé à la rejouabilité en incluant quatre modes de jeu, qui s'avèrent des variations de plus en plus difficiles du concept de base pour ceux qui aiment se faire mal avec plaisir.
Vous avez compris que The Loop n'est définitivement pas pour moi. Mais c'est peut-être le jeu de type "tower défense masochiste" que je prendrai le plus de plaisir à rejouer si on me le proposait. Rien que pour l'ambiance SF dans laquelle il nous plonge et ses mécaniques bien ficelées. Donc si vous aimez le genre, il n'y a aucun doute à avoir, vous ne serez pas déçu !