Studio H est né sous une bonne étoile. Toute jeune société de jeux parisienne créée en 2019, elle s'est en effet fait un nom dès sa première année en s'offrant l'As d'Or 2020 avec Oriflamme, un petit jeu de cartes et de déduction rapide et malin (chroniqué ici). Si depuis le studio a enchaîné les jolis succès (Suspects, Oltrée), il n'a pourtant jamais lâché sa licence fétiche qui, avec Oriflamme Alliance, en est déjà à sa troisième itération.
Et comme tous les opus de la saga, on reste ici sur un jeu standalone qui peut être mixé avec les autres boîtes, tout en proposant exactement les mêmes règles de base. Une même recette, des ingrédients un peu différents, pour un repas toujours aussi gourmet ?
À feu doux
Le but dans Oriflamme Alliance est toujours d'avoir le plus de points d'influence à la fin des six manches de jeu.
Chaque joueur commence avec le même set de 10 cartes (à sa couleur), mais doit défausser au hasard 7 cartes avant de débuter la partie. Au début de chaque tour, et dans l'ordre donné par le jeton premier joueur tournant, chaque châtelain doit placer une de ses cartes face cachée sur la table, soit au début, soit à a fin de la file générée au fur et à mesure par les poses successives.
Vient ensuite une phase de résolution, qui se déroule de la queue de la file à la tête, et dont la direction est indiquée par un poignard thématique. De base, toute carte face visible voit son effet se déclencher automatiquement. Par contre, chaque joueur est sommé de prendre une décision vis à vis de ses cartes face cachées. S'il décide de la laisser en l'état, on place un jeton PV dessus. S'il décide de la retourner, le joueur empoche les éventuels jetons PV placés dessus puis doit déclencher l'effet de la carte stipulé.
Après le premier tour, il est possible lors de la première phase de jouer une de ses cartes au dessus d'une carte de sa couleur située n'importe où dans la file. La ou les cartes couvertes deviennent alors inéligibles pour quelconque effet adverse, et ne peuvent pas être retournées ou déclenchées tant qu'elles restent protégées.
Dans le feu de l'action
Là où chaque version d'Oriflamme se démarque de ses consœurs, c'est dans le fait que chaque carte a une capacité unique, et que chaque boîte propose une thématique affirmée. Comme le sous titre du jeu l'indique ici, Oriflamme Alliance joue la carte de la négociation, et fait la part belle à une interactivité profondément tournée vers les coups fourrés et les arrangements temporaires.
Le Magistrat est peut-être la carte la plus représentative du "style" donné à cette version. Tout en faisant gagner 1 Point de Victoire (PV), elle offre en effet à son possesseur de placer 1 jeton condamnation sur n'importe quelle carte de la file, ou d'éliminer une carte en possédant déjà un. Vous pourrez aussi compter sur l'Impératrice et le Diplomate, qui jouent elles sur le terrain de la bienveillance, en envoyant respectivement 1 PV sur une carte adverse face cachée et 2 PV sur un autre Diplomate, tout en grapillant quelques PV en récompense.
Et encore plus dans cette version, planification et agressivité sont les maîtres mots que l'on peut ressortir de la variété des autres cartes du jeu.
Quand le Zélote permet de gagner 1 PV plus 1 supplémentaire si vous n'avez pas d'autre carte révélée, l'Informatrice offre de gagner autant de PV que de pièces présentes sur les cartes adverses face cachée adjacentes, tout en pouvant être remplacée par une autre carte face cachée de sa main.
Quand le Déserteur élimine tout simplement une carte adjacente, avec en bonus 1 PV si c'est un personnage, l'Insurrection peut éliminer 2 cartes adjacentes, mais coûte 1 PV pour être retournée.
Quand l'Extorsion est la carte piège de cette boîte, l'Infiltration et la Négoce génèrent des PVs seulement une fois retirées de la file, quand respectivement le joueur élimine une carte face cachée ou s'il dispose d'au moins une carte de la zone de jeu.
Un tempérament de feu
Indiscutablement, on retrouve dans Oriflamme Alliance la majorité de ce qui a fait le succès du premier opus. Sa production raffinée et ses jolies illustrations (qui plongent dans un univers "dark" médiéval peu enviable) mettent parfaitement en valeur un gameplay fluide qui sait allier une vraie richesse stratégique a des aléas du hasard (et des décisions de ses adversaires) qui ne manqueront jamais d'animer vos parties.
Vous aimez le changement, passez votre chemin : Oriflamme ne propose absolument rien de nouveau, et reste sur sur ses acquis (de qualité il faut l'avouer). Reste que le jeu est toujours aussi plaisant, et que les nouvelles cartes d'Oriflamme Alliance suffisent à ramener de jolies subtilités de gameplay dans leurs bagages.
Si j'ai beaucoup aimé cette nouvelle notion de réserve qui permettent de penser sa partie sur le très long terme, les cartes tournées vers les alliances ne manquent pas de rajouter une vraie belle couche de promesses verbales propices à toutes les tromperies, même s'il est tout à fait possible de prendre des décisions en solitaire pour (dé)favoriser à la tête du client.
Malheureusement, la prise en main de ces dix nouvelles cartes m'a semblait un peu plus délicate que lors de mon approche de la boîte de base. Avec ses pouvoirs à tiroir, ses effets qui nécessitent plus d'anticipation, ce nouveau volet monte clairement l'expertise d'un cran, et pourrait rebuter une frange de joueurs qui cherchent un petit défouloir "tranquille", voir des habitués qui apprécient l'immédiateté du jeu original.
Ayant moi même pu tester le jeu avec une table de néophytes, j'avouerai que l'approche a été un peu douloureuse (pour eux). Et je ne peux que confirmer qu'une ou deux parties complètes de rodage peuvent être nécessaires avant de commencer à s'éclater avec les possibilités stratégiques un peu plus "velues" qu'offrent le titre.
À l'heure de proposer une boîte à des débutants dans la licence, je ne pense donc pas qu'Oriflamme Alliance soit le meilleur choix de la gamme. Mais si vous êtes un joueur qui maîtrise toutes les cartes de la licence, ou qui cherche de nouvelles sensations en ayant de nouvelles cartes à insérer dans son Oriflamme original, la question se pose d'avantage.