
Karuba et Les Charlatans de Belcastel. À priori rien à voir avec le jeu qui nous intéresse aujourd'hui. Et pourtant, ce sont les deux titres auxquels ont été comparés Les Gardiens de Havresac dans les désormais incontournables vidéos du Passe Temps.
Et s'il y a une certitude, c'est que si vous êtes familiers de ces deux excellents titres (que l'on adore à la maison), vous allez retrouver quelques ingrédients similaires bien agréables dans le tout dernier titre de Frédéric Guerard (Meeple Land, It's A Wonderful World) propulsé par Catch Up Games (The Loop, Sobek 2 joueurs).

Un royaume en péril
Dans Les Gardiens de Havresac, on doit y diriger des héros amenés à aller nettoyer un royaume paisible de l'invasion des troupes de la sorcière Aster Morgane. On débute chacun avec une palette de 4 héros aux caractéristiques (déplacement et action spéciale) définies au départ, ainsi qu'un grand plateau personnel "plan des environs" sur lequel on va les faire se mouvoir pour aller terrasser du vilain.
Vous avez cinq jetons au départ : Deux guerrières, qui sont les seules à pouvoir occire un méchant au corps-à-corps ; Un voleur, le seul capable de fouiller les coffres que vous allez récupéré sur votre chemin ; Une prêtresse, capable de prendre la place d'une autre de vos troupes; Et une chasseuse, qui peut tuer un intrus à distance et de manière orthogonale si aucun obstacle est placé sur la trajectoire.

À la fin de chacune des 5 manches que comptent une partie, vous allez cependant pouvoir recruter de nouveaux jetons (et surtout de nouvelles têtes), en dépensant le butin généré par un scoring intermédiaire. Fées capturées, monstres tués, villages reconstruits, trésors trouvées dans des coffres ... pas mal d'éléments différents interviennent dans ce décompte, et vous devrez souvent jouer sur plusieurs tableaux pour profiter des avantages offerts par chacun de vos personnages.
Ce qui est sûr, c'est que vous avez tout intérêt à faire grandir votre garnison, car le jeu impose de toujours faire partir chacun de vos personnages de l'emplacement d'un autre de vos héros, voir d'une tente posée par le guide (si bien sûr vous jouez avec ce profil, chaque personnage proposant deux spécialités au choix). Et si cette contrainte va vous obliger à bien planifier vos routes et aiguiser votre sens de l'anticipation pour arriver à vos objectifs, on joue nos héros dans l'ordre ... dans lequel on les tire d'un sac opaque, ce qui rajoute en plus à s'adapter aux caractéristiques du personnage tiré sur le moment.

La main dans le sac
Et indiscutablement, beaucoup du plaisir dans Les Gardiens de Havresac vient de la "construction" de son sac. Viser de tuer un maximum de monstres sans trop se déplacer, partir en quête de capturer toutes les fées, essayer de rebâtir tous les villages, etc... le jeu offre une palette de stratégies appréciable, et autant vos achats que l'apparition des monstres vont dicter vos actes au fur et à mesure de la partie.
Car ce que je vous ai pas dis encore, c'est que le monde va évoluer au début de chacune des manches, avec le tirage de 5 cartes éclaireurs qui révèlent chacune le type et l'emplacement d'un nouveau monstre sur sa carte (des modifications à effectuer sur le plan de chaque aventurier). C'est là où de jolies décisions sont à prendre : Est-ce qu'il faut que je parte sur un maximum de druides, pour avoir l'assurance d'arpenter les quatre coins de votre plateau très rapidement mais recommencer chaque manche au centre du plateau ? Ou alors un maximum de guides, qui permettent de se créer des avants-postes tout en pouvant être plus réactifs si une zone déjà visitée redevient animée un peu plus tard ?

Tout est possible, tant que vous acceptez le hasard inhérent à ce genre de mécanique, et surtout que vous acceptez de jouer seul dans votre coin, le jeu étant totalement dépourvu d'interactivité (chaque aventurier joue sur son plateau et ne fait que comparer son scoring à la fin de la partie).
Reste que toute cette réflexion ne vient pas complexifier outre mesure la prise de décisions : Les Gardiens de Havresac reste un jeu de stratégie léger purement familial qui plaira sans nul doute à tous les grands enfants attirés par le gimmick "donjon / coffre / monstre".
Pour avoir tester le jeu avec mon "grand" qui en aurait enchainé toute l'après-midi si je n'avais pas mis mon véto, la recette fonctionne admirablement bien, bien aidée par un format de partie courte et des tours que l'on peut vite jouer en simultanée.
Et cerise sur le burger, l'éditeur à mis le paquet pour séduire les foules, avec une direction artistique colorée et très "dessin animée", une boîte remplie à raz bord de meeples, et des plateaux géants doubles-faces (été et hiver) pour offrir une petite variété et altérer la difficulté selon vos envies.

Il y avait de l'idée
Le hic, c'est qu'en tant qu'adulte joueur, plusieurs petites choses m'embêtent avec ce Les Gardiens de Havresac, qui avait pourtant tout sur le papier pour me captiver.
Le démarrage poussif des parties est le premier de mes griefs : Il faut bien deux manches avant de se créer une petite équipe a même de s'offrir une vraie richesse d'actions. En temps normal cela ne me dérange pas dans un jeu de bag building, le concept même jouant sur la montée en puissance pour créer le dynamisme. Mais dans un jeu limité a 5 tours, c'est bien trop peu, surtout que le jeu se montre vraiment chiche en gains de points et monétaires au départ.
Véritablement, on a la désagréable impression de commencer la partie au milieu de chemin, et la ligne d'arrivée arrive si vite qu'elle en devient presque frustrante.
Surtout que niveau réflexion, Les Gardiens de Havresac est en peu en déca de mes espérances. Le jeu a beau proposer une multitude de moyen de scorer, des capacités différentes, nos décisions restent finalement trop liées aux caractéristiques limitées du héros tiré pour offrir des millions de possibilités de jeu. Quand votre guerrière ne se déplace que de deux cases et qu'un seul monstre est a portée, vous n'avez finalement qu'une alternative, prendre la victime "gratuite" ou vous servir du personnage pour "avancer" dans un autre objectif. Et tous les choix se montrent au final souvent évidents, quand bien même vous essayez d'optimiser par avance tous les jetons qu'il vous restent dans le sac.

À cet égard, je trouve dommage que les plaquettes personnages ne proposent pas des "combinaisons" différentes au choix, genre 2 cases de déplacement et 2 dégâts ou 4 cases de déplacement et 1 dégât. Voir juste que les personnages plus "riches" tactiquement (comme la chasseuse ou le druide) ne soient pas disponibles dans son groupe dès le départ (voir via un choix de "leader"). Cela aurait rendu l'expérience plus dense, sans rendre à mon avis le jeu ingérable pour les moins habitués au genre.
Et mon dernier souci, et non des moindres : C'est que je n'arrive pas à m'enlever l'impression de la tête que Les Gardiens de Havresac est surproduit inutilement. Je fais partie de ces gens qui apprécient la surabondance de matériel quand cela favorise autant l'immersion que cela améliore l'ergonomie autour de la compréhension des mécaniques du jeu.
En temps normal, une belle figurine de monstre, cela créé autant l'ambiance que cela permet de retenir plus facilement quelles sont ses aptitudes de jeu. Un beau meeple ressource, cela décuple la lisibilité tout en ayant donnant l'impression de faire une "vraie" action. Mais ici aucun méchant ne se déplace, a un comportement particulier. Tout est juste une question de points à gagner.
Y avait-il donc vraiment obligation de mettre une brouette de meeples ? Surtout qu'au final on se retrouve juste avec 4 types de "créatures", que visuellement les jetons héros font aussi bien, que cela n'ajoute pas une plus-value à la rejouabilité, et que cela fait passer le titre dans la sphère des jeux familiaux à plus de 40 euros ? Je ne suis pas sûr. Et quand je fais les comptes à la fin, pas certain que le jeu y gagne sur tous les tableaux, même si, dans l'état, c'est quand même une jolie boîte proposant un concept qui a un p.t... de potentiel...

